Des fusibles de protection :
Afin que les signaux douloureux ne puissent provoquer une mise hors circuit s’ils arrivaient en trop grand nombre dans le cerveau, l’organisme dispose de « fusibles antidouleurs ».
Il s’agit de 3 systèmes de protection, situés dans la moelle épinière, le tronc cérébral et le thalamus.
La théorie de la « porte »

Le message douloureux est modulé tout au long de son cheminement par des systèmes régulateurs, dont un filtre modérateur de très grande importance situé au niveau de la moelle épinière et appelé « la porte« .
Ce filtre a été décrit sous le nom de la théorie du « gate control » (de la porte de contrôle) par Patrick Wall et Ronald Melzack en 1965.
Le message douloureux passe par cette porte qui peut être plus ou moins ouverte, ce qui aura pour effet d’augmenter ou de diminuer ou de carrément stopper le message douloureux.
Plus la porte est ouverte, plus le message douloureux sera perçu comme intense.
Cette théorie a permis de comprendre certaines réactions face à la douleur comme par exemple le soulagement apporté par le fait de mettre de l’eau fraîche sur une brûlure : cela provoque la fermeture de la porte.
Les autres fusibles de protection
Au niveau de la moelle épinière, et indépendamment de « la porte »,
le message douloureux est significativement diminué aussi par les terminaisons nerveuses des neurones non spécialisés dans la douleur.
C’est la raison pour laquelle le massage d’une zone douloureuse a un puissant effet antalgique.
Depuis le tronc cérébral,
d’où part un faisceau nerveux freinateur dont les terminaisons libèrent des endorphines au niveau de la synapse entre le 1er et le 2ème neurone.
Quand au thalamus,
il joue le rôle de centrale car tous les messages à la fois stimulants et inhibiteurs de la douleur passent par lui.
C’est au passage du thalamus qu’une moyenne est établie et que l’on perçoit une sensation douloureuse plus ou moins forte.
La douleur ressentie est la synthèse de ces influences sur le message douloureux initialement transmis.
La diversité des contrôles :
Le corps dispose de différents moyens pour réguler la douleur, et c’est ce qui rend si complexe le traitement « médicamenteux ».
Depuis 1975, il a été découvert que l’organisme sécrète ses propres substances anti-douleur, qui sont des morphines naturelles appelées endomorphines ou endorphines.
Elles inhibent la douleur en fermant la fameuse « porte » située dans la moelle épinière.
Cela a d’importantes conséquences thérapeutiques car il est possible d’agir sur la « porte » pour la fermer partiellement ou complètement.
L’exercice physique, même modéré comme quelques minutes de marche, provoque la sécrétion d’endorphine et donc amène à une fermeture partielle de la « porte ».
La sensation douloureuse provient donc :
soit d’un excès de messages nociceptifs, dû à une stimulation excessive des récepteurs périphériques
soit d’une déficience des systèmes de protection
soit d’une combinaison de ces 2 facteurs.
Ainsi, quand nous sommes en bonne forme physiquement, émotionnellement et intellectuellement, nos systèmes de protection sont très efficaces et notre seuil de tolérance à la douleur est élevé.
A l’opposé, plus nous sommes fatigués, plus notre seuil est abaissé.
En résumé
Il y a 2 systèmes impliqués dans le processus de la douleur :
Le système excitateur qui fonctionne ainsi :
De la périphérie à la moelle épinière :
Il y a d’abord, des récepteurs spécialisés, les nocicepteurs, qui vont capter l’information de la douleur au niveau des tissus cutanés, musculaires et articulaires ainsi que des viscères.
De la moelle épinière au cerveau :
Cette information est transmise par l’intermédiaire de fibres spécifiques des nerfs jusqu’au centre d’analyse qu’est le cerveau.
Et le système inhibiteur :
Composé entre autres par la « porte », située dans la moelle épinière, qui va réguler l’intensité du message.
Par exemple quand vous vous blessez avec un couteau :
Les informations arrivent d’abord à la moelle épinière pour déclencher un réflexe = vous retirez votre main sans même y avoir pensé.
Puis le message continue jusqu’au cerveau pour l’alerter.
Ce dernier, après analyse, décode la sensation douloureuse.
Vous décidez alors de soigner la blessure, ce qui permettra normalement d’arrêter la sensation douloureuse.
Mais il arrive que la douleur ne s’arrête pas, même après guérison de la blessure.
La théorie de la « porte » a permis aussi de comprendre que la douleur peut apparaître suite à un déséquilibre entre le système inhibiteur et le système excitateur.
Quand elle dure plus de 3 à 6 mois, on parle de douleur chronique.
Cette souffrance chronique est due à un dérèglement des circuits de la douleur.
Les cellules nerveuses qui ont été lésées émettent spontanément des messages qui déclenchent en permanence une fausse alerte.
Lorsque les signaux erronées atteignent le cerveau, la douleur paraît aussi réelle que si vous étiez blessé.
15 à 20 % des adultes souffrent de douleur persistante ou chronique dont environ la moitié n’en sont pas guéries au bout de 1 an (selon un étude de l’OMS)
Différents types de douleur :
La douleur a un rôle de signal d’alarme utile car elle met en alerte l’individu et l’invite à remédier à une situation dangereuse pour son intégrité.
Ce rôle est retrouvé dans l’ensemble du monde animal : un stimulus douloureux entraînera une réaction immédiate de défense.
Toutefois, chez l’homme, la douleur a cette même fonction en cas de douleur aiguë, mais il existe aussi de nombreuses formes de douleur depuis la simple alerte à la douleur chronique.
C’est ce panel de douleur que je vous invite à découvrir maintenant.
On peut opposer la douleur aiguë : qui est le signal d’alarme d’un dommage tissulaire à la douleur chronique, maladie à part entière avec un important retentissement psychosocial.
Grâce aux progrès de la neurophysiologie, il est maintenant possible de définir 4 grandes catégories de douleurs :
les douleurs par excès de nociception
les douleurs neurogènes,
les douleurs psychogènes.
Les douleurs cancéreuses
A) Les douleurs par excès de nociception
Les douleurs par « excès de nociception » sont de loin les plus fréquentes.
Elles sont dues à une stimulation excessive des récepteurs périphériques ce qui entraîne une douleur intense.
Ce sont les douleurs habituelles des brûlures, des traumatismes, des suites d’une opération et d’un grand nombre de maladies.
Celles-ci engendrent :
tantôt des douleurs aiguës
(rage de dents, infarctus du myocarde, occlusion intestinale, colique néphrétique etc)
tantôt des douleurs chroniques :
(rhumatismes, maux de dos, fibromyalgie etc)
Ces douleurs sont continues ou intermittentes et varient en intensité.
B) Les douleurs neurogènes ou neuropathiques
Se disent des douleurs qui n’ont pas pour origine des lésions tissulaires.
Elles sont dues à une interruption des voies du système excitateur dont nous avons parlé plus haut, entraînant une perturbation du système global de transmission.
Les douleurs sont permanentes, sous forme de brûlures avec des moments paroxystiques (c’est à dire des douleurs fulgurantes en décharge électrique, élancement, coup de poignard etc..) et des troubles de la sensibilité tactile, comme par exemple :
Hypoesthésie : Déficit de la sensibilité globale
Anesthésie : absence de sensibilité
Allodynie : douleur produite par un stimulus réputé non douloureux qui est perçu de façon exagérée, comme un courant d’air ou un effleurement,
Hyperalgésie : sensibilité douloureuse exagérée
Hyperesthésie : sensibilité cutanée exagérée
Elles peuvent être dues à une infection, des troubles du métabolisme (diabète, alcoolisme), des toxiques, une compression nerveuse (hernie discale, canal carpien, tumeur etc..)
Dans tous les cas, ce sont des douleurs très invalidantes, qui s’accompagnent parfois, surtout quand elles sont chroniques, d’une anxiété et d’un fond dépressif.
C) Les douleurs psychogènes
Les douleurs psychogènes regroupent toutes les douleurs que l’on ne sait pas classer dans l’une ou l’autre des 2 catégories précédentes.
Ce sont des douleurs sans lésions apparentes, malgré un bilan médical approfondi.
Leur dimension essentielle semble résider dans le psychisme, avec l’intervention de phénomènes psychologiques amplifiant la sensation douloureuse.
D) Les douleurs cancéreuses
Parmi tous les types de douleurs, les douleurs cancéreuses occupent une place à part : elles peuvent à la fois présenter des composantes nociceptives, neurogènes et psychogènes.
On connaît en effet l’importance des facteurs psychologiques, familiaux et sociaux dans les maladies cancéreuses.
J’ai essayé de faire de ce chapitre indispensable, quelque chose de pas trop ennuyeux, et j’espère que cela vous aura non seulement plu mais aussi aidé à mieux comprendre le phénomène douloureux.
La semaine prochaine, je vous propose de découvrir la psychologie de la douleur et de répondre à cette question : « comment je vis avec cette douleur ? » et par conséquent, de vous donner les premières pistes pour apprendre à « mieux vivre et mieux gérer » la douleur dans votre quotidien.
Coeurdialement
Valérie Madej