Introduction :
Le catastrophisme est un comportement qui est fréquemment rencontré chez les personnes souffrant de douleurs chroniques.
Cet état d’anxiété, dont on a vu dans la 1ère partie de cet article qu’il pouvait grandement intensifier l’état de souffrance, est considéré par certains, comme un facteur déterminant essentiel des douleurs chroniques.
Le catastrophisme se compose : d’une exagération et d’une fixation sur la sensation douloureuse, mêlées à un sentiment de débordement impuissant (« je suis écrasée par cette douleur et je ne peux rien faire« ), le tout conjugué à une évaluation négative de ses capacités.
Les différents aspects d’une pensée catastrophiste sont : la Vulnérabilité, l’Exagération et la Rumination (« Helplessness, Magnification, Rumination » en anglais).
La catastrophisme fait l’objet de centaines de publications, et les développements récents de ce concept laissent penser qu’il serait une manière d’exprimer sa détresse aux proches en recherchant leur empathie et leur soutien, tout en induisant malheureusement des réactions négatives chez ces derniers.
Certaines études incitent aussi à penser que le catastrophisme serait une variable intermédiaire entre la dépression et la composante affective de la douleur (ici il ne s’agit pas de son aspect sensoriel).
Un questionnaire, le Pain Catastrophing Scale ou PCS , a d’ailleurs été créé par Michael J.Sullivan, professeur de psychologie à l’Université Mac Gil de Montréal (Canada) afin de détecter le niveau de catastrophisme de chaque personne souffrant de douleurs chroniques. (voir les documents à télécharger en fin d’article).
Il a réalisé un grand nombre d’études sur le sujet, dont une publiée en 1998, qui portait sur 86 sujets souffrant de lésions légères du cou, des épaules et du dos, après un accident du travail ou un accident de la voie publique.
Elle a démontré que l’évaluation du catastrophisme a permis une prédiction du handicap et ce de façon indépendante de la dépression et de l’anxiété.
Le critère « rumination » s’est montré l’élément de prédiction le plus marquant du handicap inhérent à la douleur.
Qu’est-ce que le catastrophisme : définition clinique
Le catastrophisme se définit comme une attitude mentale exagérément négative, qui se construit durant une expérience en cours ou future de la douleur, selon Sullivan en 2001.
Le catastrophisme ou dramatisation est une réponse comportementale et affective qui repose sur une expression inadaptée de la douleur.
Il se caractérise par la focalisation excessive de la personne, sur les aspects négatifs et déplaisants de son expérience douloureuse.
Il s’exprime souvent par une attitude de rumination sur sa propre douleur associée à un vécu véritablement obsessionnel de son propre état.
Le catastrophisme entraîne une amplification de l’intensité de la douleur, des comportements douloureux, de la détresse émotionnelle, des prises médicamenteuses.
Le catastrophisme est lié à d’autres variables qui influencent la douleur telles que la dépression, l’incapacité, une phobie de la douleur (algophobie) ainsi qu’une peur du mouvement (kinésiophobie), et l’évitement.
L’attitude le plus souvent rencontrée chez les personnes souffrant de douleurs chroniques, se manifeste par la recherche auprès des autres d’une attitude d’empathie, d’une attention particulière, sans avoir pour objectif la diminution de la douleur.
Diminuer la douleur ne peut se faire qu’avec une attitude plus positive de « coping », c’est à dire de « gestion » ou » qui fait face », destinée à mieux affronter et à mieux composer avec la douleur elle-même.
L’incapacité à se distraire ou à utiliser des émotions positives en tant que moyens pour faire face à la douleur semblent liées à des pensées catastrophiques.
La peur liée à la douleur
Quand la douleur, causée par une blessure ou par un effort, est interprétée comme menaçante, la peur liée à la douleur progresse.
Cela conduit à un évitement/échappement, duquel s’en suivent une incapacité, un abandon puis une dépression, qui eux-mêmes seront responsables d’une persistance des expériences douloureuses et d’un cercle vicieux de peur et d’évitement croissants.
Il peut y avoir 2 types de réponses comportementales différentes face à la douleur : l’affrontement ou l’évitement.
Il s’agit de 2 voies possibles par lesquelles la personne en souffrance peut se trouver entraîner dans une spirale négative d’évitement croissant, d’incapacité et de douleur.
Une interprétation catastrophique de la douleur est responsable de la peur, qui sera elle-même à l’origine d’une recherche de sécurité, qui peut être adaptée en cas de douleur aiguë mais contre-productive en cas de douleur chronique.
La vision négative de la douleur engendre la peur liée à la douleur, amplifiant ainsi l’expérience de la douleur.
Une hyper-vigilance se met alors en place destinée à contrôler l’impact de la douleur ou de la blessure. Cette hyper-vigilance peut entraîner des croyances qui sont tout à fait erronées, concernant chaque expérience douloureuse, et tout ce processus va amener progressivement à une désocialisation.
Ainsi, vos croyances au sujet de la douleur (son caractère contrôlable, prédictible, handicapant etc..) et les moyens que vous allez mettre en place pour y faire face, influenceront votre perception des caractéristiques spécifiques de la douleur (dont son intensité).
Le questionnaire PCS ou Pain Castatrophizing Scale
Michael J.Sullivan a proposé dès 1995, avec James U.Bishop, une échelle en 13 items permettant d’identifier et de quantifier l’importance du catastrophisme chez un patient douloureux.
Le PCS est un instrument de mesure à part entière, qui a fait l’objet d’une validation en clinique sur des sujets sains.
Il peut être complété en moins de 5 mn et propose une liste de 13 items, regroupés en 3 sous-groupes.
Il y a un sous-groupe qui réuni les critères liés à la rumination, et qui sont les items 8, 9, 10 et 11, un sous-groupe qui réuni ceux liés à l’exagération et qui sont les items 6, 7 et 13 et le sous-groupe qui réuni ceux liés à la vulnérabilité et qui sont les items 1,2,3,4,5 et 12.
Il est demandé aux personnes douloureuses d’évaluer leur expérience personnelle grâce à une cotation en 5 points qui va de 0 à 4.
Le score peut donc varier de 0 à 52.
Selon l’expérience de l’auteur, un score de PCS de 30 ou plus représente un niveau pertinent de catastrophisme.
Des recherches qui ont porté sur le PCS ont montré qu’il a une bonne fiabilité, une bonne validité et que des scores élevés indiquent une mauvaise évolution potentielle de la douleur.
Des recherches ont aussi démontré qu’un score de 20 représente déjà un seuil critique de détection des personnes à risque.
Le questionnaire PCS permet à chaque personne souffrant de douleurs chroniques de réfléchir et de répondre sur ses sensations et son état d’esprit lorsqu’il souffre.
Remplir ce questionnaire constitue donc, selon Sullivan, une autre façon d’évaluer ses douleurs.
Ainsi le PCS est et reste aujourd’hui l’échelle de référence.
Pour télécharger le questionnaire PCS destiné à l’adulte, cliquez ici :
Pour télécharger le questionnaire PCS destiné à l’enfant, cliquez ici :
Pour télécharger le questionnaire PCS destiné au conjoint(e), cliquez ici :
Les profils prédisposés au catastrophisme :
Ce qui prédispose au catastrophisme chez des personnes atteintes de douleur aiguë ou chronique est assez mal connu.
Le catastrophisme est un facteur individuel qui existe aussi chez des personnes qui ne vivent pas dans un état de douleur chronique.
Par conséquent, il est possible que le catastrophisme soit une prédisposition, une sorte de vulnérabilité latente, qui existerait chez des personnes en bonne santé, « futurs » personnes douloureuses.
Selon l’âge :
L’âge affecterait effectivement sur le catastrophisme dans la mesure où la régulation des émotions évolue durant la vie.
Selon le sexe :
Il n’a pas été trouvé d’études permettant d’affirmer que le sexe était une variable discriminante.
En période de grossesse :
le catastrophisme dans ce cas peut être associé à la survenue de douleurs lombo-pelviennes et agir négativement sur la récupération physique.
Selon l’écoute du conjoint :
Une étude sur 58 couples, consacrée à la relation au sein du couple autour du catastrophisme et de l’évolution de la douleur, a été menée par N. Gauthier à l’université de Montréal.
Les personnes douloureuses étaient amenées à soulever des poids assez lourds et étaient filmées.
Leurs conjoints étaient invités à regarder la vidéo et à répondre à un questionnaire proche du PCS.
L’analyse révèle que :
les patients « haut catastrophisme » en couple avec un conjoint noté « bas catastrophisme« , ont un comportement plus douloureux que les autres patients.
Cela suggère que les patients douloureux chroniques « haut catastrophismes » doivent sur-exprimer leur douleur de façon à compenser la tendance de leurs conjoints ‘ »bas catastrophismes » à sous-estimer la sévérité de leur ressenti douloureux.
Selon la pathologie :
La fibromyalgie, le catastrophisme chez les personnes en souffrant serait un facteur prédictif clé d’une mauvaise adhésion au traitement.
Le cancer : les aspects émotionnels provoqués par la découverte puis l’annonce d’un cancer, quel qu’il soit, sont largement liés à l’expression de la douleur quand elle se manifeste.
En post-opératoire : La douleur aiguë post-opératoire mal anticipée peut devenir chronique.
Le catastrophisme constitue alors un élément négatif supplémentaire et faciliterait la transition de la douleur aiguë vers la douleur chronique.
Traitement :
Comme vous avez pu le voir, le catastrophisme amplifie énormément l’intensité de la douleur, et induit une détresse émotionnelle et des attitudes d’évitement. Il peut aussi provoquer la prise hasardeuse de médicament par la personne souffrante.
Une relation médecin/malade basée sur l’écoute, le dialogue, une relation de confiance est indispensable pour prévenir voir limiter un passage à l’état de catastrophisme.
Lorsque l’état de catastrophisme est avéré, il doit être évalué et la personne en souffrant doit être invitée à exprimer sa pensée, sa détresse, son ressenti etc.
Etre rassuré sur la durée, l’évolution et le traitement de son problème est essentiel.
Le recours à une échelle d’évaluation comme le PCS doit constituer le point de départ d’une bonne prise en charge lors d’une consultation en centre anti-douleur par exemple.
Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) font partie intégrante des traitements possibles des attitudes de dramatisation ou de catastrophisme. Ces thérapies peuvent avoir un impact sur les facteurs et conséquences psycho-comportementales de la douleur, et elles peuvent influencer positivement le vécu de la douleur par les patients.
Elles ont pour objectif de faire accepter la douleur et de provoquer une prise de conscience.
La prescription d’anti-dépresseur adapté peut être proposée.
Et des techniques comme l’hypnose Ericksonienne ou l’EFT, peuvent aider à réduire le catastrophisme qui aggrave la composante émotionnelle de la douleur.
J’espère que cet article vous aura apporter de précieuses lumières et que cela aura pu vous aider si vous vivez vous mêmes des situations de douleurs chroniques.
La semaine prochaine, il sera question de facteurs de vulnérabilité, et de l’influence des traumatismes.
Prenez soin de vous !
Coeur-dialement
Valérie